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Exetat et Tenafep 2020 : Le ministre de l’EPST Willy Bakonga préparerait-il un génocide intellectuel ?

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Archive : edition n°127, publiée le mardi 26 mai 2020, Le Télégramme du Congo, le journal qui anticipe l’avenir.

La vie est une éternelle quête du bonheur. Mais on ne doit pas le réaliser au détriment des autres. Quelle serait alors la valeur d’un îlot de prospérité au milieu d’un océan de misère?
Au fronton d’une université en Afrique du Sud, on peut lire le message suivant :  » Détruire un pays ne nécessite pas l’utilisation de bombes atomiques ou l’utilisation de missiles à longue portée. Il suffit d’abaisser la qualité de l’éducation et de permettre la tricherie aux examens.»
Nous ne le dirons jamais assez, l’éducation est et demeure la base matricielle du développement de toute nation. L’effondrement de l’éducation c’est l’effondrement de la nation.
Comment comprendre dans un pays comme le nôtre où l’on trouve plus de 145.000 enseignants principalement du primaire et du secondaire du secteur public qui ne sont pas payés par l’Etat employeur et cela va d’un an à cinq ans. L’Etat congolais reconnaît leur existence car ils sont tous repris sur les listings mensuels de paie du SECOPE ( service de contrôle de  paie des enseignants ) sous la dénomination Nouvelles Unités «NU».
Ainsi donc, la nation reçoit les prestations de ces agents et ne sont toujours pas payés, pretextant que cette situation sera régularisée au mois de juillet, parce que la paie est trimestrielle, avance-t-on.
Comment pourrions-nous espérer retrouver un jour un enseignement de qualité lorsque l’enseignant lui-même est démotivé et qu’on ne valorise pas sa fonction, levier indispensable pour l’élite du pays ? L’absence de motivation due au non payement des salaires ainsi que la modicité de ceux-ci sont autant des facteurs qui contribuent à l’effondrement de l’éducation.
Ce qui fait mal, c’est lorsqu’on apprend l’énormité des sommes d’argent dépensées pour corrompre les opposants politiques débauchés, les parlementaires pour bloquer les motions de défiance et de censure et les sommes engagées pour les actions de lobbying au sommet de l’Etat. Quel gâchis !
La rouille recouvre-t-elle à ce point le coeur des autorités congolaises que nombre de celles-ci ne semblent pas réaliser l’étendue du calvaire imposé à leur peuple ?
Du 22 au 24 Août 2019, des délégués et experts du secteur éducatif étaient réunis à l’Hôtel du Fleuve à Kinshasa/Gombe dans le cadre de la tenue de la deuxième Table ronde de l’éducation nationale en RD Congo.
Au cours de ces assises, il était question de faire l’état des lieux de notre système éducatif pour déceler les obstacles qui minent son épanouissement harmonieux sur les plans qualitatif et quantitatif. L’analyse des données étudiées minutieusement a établi avec clarté que le frein à la base de la déliquescence de notre appareil éducatif n’est rien d’autre que la prise en charge de l’enseignement par les parents d’élèves qui sont, par ailleurs, majoritairement démunis, pauvres.
Pour rappel, ce système a été instauré dans notre pays depuis la deuxième moitié des années 80 pour des raisons qui valent la peine d’être évoquées ici.

Contexte historique

Depuis le début de l’année 1980, l’on observe un phénomène inhabituel en ex-République du Zaïre. D’une part, le pays connaît un véritable boom économique du fait de la hausse vertigineuse de prix du cuivre sur le marché mondial, d’autre part les grèves à répétition secouent toutes les écoles publiques du pays.
Chaque année, les enseignants réclamaient l’amélioration de leurs conditions de vie et de travail mais Mobutu et ses collaborateurs occultistes restaient fidèles au principe sacré de leur spiritualité satanique : perpétuer et accentuer durablement la misère de la majorité pour le grand bonheur de la minorité au pouvoir. De ce fait, ils se moquaient éperdument des débrayages récurrents observés dans les milieux éducatifs.
Pendant ce temps, l’Unesco menaçait de décréter l’année blanche si le mouvement persistait. C’est cette épée de Damoclès qui faisait revenir les professionnels de la craie aux meilleurs sentiments, à suspendre leur mouvement.
Mais, le tournant décisif a été amorcé en 1986. Cette année-là, les enseignants avaient décidé d’aller en grève pour une durée indéterminée. Leur détermination était tellement forte parce que motivée par un fait apparemment anodin mais d’une extrême importance. En effet, au cours d’une émission télévisée aux heures de grande audience, un Mobutiste pur et dur, à l’esprit sans doute dérangé, avait eu la maladresse de déclarer ce qui suit : « Qu’importe si les enseignants décident de sécher les salles de classes pendant une, deux ou trois années… Ils ne pénalisent que leurs propres enfants ainsi que ceux de leurs frères et soeurs ! Les nôtres eux étudient tranquillement en Europe, aux Etats-Unis, en Asie… Ils viendront nous remplacer au pouvoir un jour… ».
A partir de ce jour, des esprits éclairés avaient compris que le régime en place planifiait savamment un génocide intellectuel en règle pour la perpétuation d’un système d’asservissement du peuple.
C’est la prise de conscience de cette conspiration de haut niveau qui va pousser l’Eglise Catholique à prendre ses responsabilités devant Dieu, les hommes et l’histoire.
C’est ainsi qu’elle enjoindra toutes les écoles de son réseau disséminées dans les quatre coins du pays à convoquer l’Assemblée générale des parents d’élèves pour débattre sur le présent et l’avenir de l’enseignement dans le pays.
Ces réunions avaient mis ensemble les gestionnaires des écoles et des paroisses, les délégués des enseignants, les parents et les autorités de l’Etat en charge de l’éducation nationale.
A l’issue des discussions engagées après analyse du système éducatif Congolais depuis l’époque coloniale, post-coloniale et avant l’avènement de Mobutu au pouvoir, il s’ était dégagé le constat amer suivant : le pouvoir en place considérait l’éducation comme le cadet de ses soucis.
Non seulement il avait démissionné de ses responsabilités mais aussi il ne manifestait aucune volonté de redresser la barre dans les jours à venir. Le budget alloué à ce secteur était insignifiant.
Par conséquent, il devenait plus qu’urgent et impérieux de tirer le pays du gouffre dans lequel il était précipité sciemment. Il fut alors convenu de conclure un partenariat entre le caucus des parents et le collectif des enseignants afin de pallier à la démission de l’Etat en mettant au coeur du problème « l’amélioration des conditions de vie » des formateurs de la jeunesse.
C’est ainsi qu’avait vu le jour la fameuse prime versée régulièrement par les parents d’élèves dénommée candidement « frais de motivation » dont une partie, ironie du sort, est réservée aux instances de l’Etat démissionnaire (Sous-division, Division, Inspection, bureaux gestionnaires…).
Cette initiative des prélats catholiques poussera toutes les autres écoles du pays du secteur public à emboîter le pas au réseau catholique.
Mais, le hic est que les parents d’élèves des autres écoles conventionnées c’est-à-dire non catholiques sont, pour la plupart, des gagnes-petits. Par conséquent, les frais de motivation ici sont soit insignifiants soit irréguliers ou payés à compte-goutte ou par intermittence.

Les retombées du partenariat parents-enseignants

On totalise maintenant plus de trois décennies depuis l’entrée en vigueur de ce deal. Et  depuis lors, l’enseignement n’a plus connu des mouvements de grève de grande envergure pour la bonne et simple raison que le réseau catholique se désolidarisait des autres réseaux à chaque tentative de cessation de travail.
Les catholiques vivaient sous un régime spécial car leurs frais de motivation ont toujours été payés en monnaies étrangères (dollars américains, euro, livre sterling, Franc CFA…). Le montant payé à chaque agent avait été calculé préalablement en fonction de ses besoins fondamentaux mensuels.
En plus, même pendant les grandes vacances, certaines écoles à citer de bout du doigt, continuaient à bénéficier normalement de cette prime. Ce qui n’était pas le cas dans les autres écoles du réseau public, oubliant que cette politique était négative car elle appauvrissait les parents, est à la base du phénomène enfants de la rue (Kuluna, schegués) puisque chassés chaque fois de l’école pour insolvabilité.

Quid sur la gratuité de l’enseignement

Les Catholiques ayant habitué ces enseignants à une prime mensuelle et régulière avaient posé des sérieux problèmes pour accepter la gratuité de l’enseignement parce qu’ayant perdu leur pouvoir d’achat, estimant que ce que l’Etat leur donnerait serait en déca de ce qu’ils touchaient au par avant, menaçant même d’aller en grève. 
Les catholiques voulaient que le nouveau salaire proposé soit égal ou supérieur à la prime qu’ils touchaient, leur revendication étant fondée.

Exetat et Tenafep 2020 : Le ministre de l’EPST Willy Bakonga préparerait-il un génocide intellectuel ?

Après presque 3 mois de fermeture des écoles suite à la pandémie du Covid 19, nous avons appris par des rumeurs que le ministre de l’EPST, Willy Bakonga voulait à tout prix que les cours reprennent. Si ce n’est pas l’ensemble des classes, du moins les classes terminales des 6èmes (primaire et secondaire) qui doivent présenter leurs épreuves de fin d’études (TENAFEP et l’Exetat 2020). C’est une opération très compliquée car nous risquons de ne pas avoir des élèves en 6ème tant primaire que secondaire l’année prochaine et les classes de 7ème et le 1er graduat de l’université seront surpeuplées.
Le ministre évoque qu’il est impossible de déclarer cette année blanche pendant que les élèves ont déjà étudié  150  jours sur les 180  que prévoit le calendrier scolaire. Et pourtant il y a des provinces où les élèves ont passé plus de deux mois à la maison suite à l’inondation et ce dernier s’attèle sur les cours télévisés diffusés sur la chaîne thématique Eductv qui n’est d’ailleurs pas suivie partout à Kinshasa et encore moins à l’intérieur de nos provinces. Malgré la diffusion de ce programme télévisé, la plupart d’élèves qui suivent ce programme ne comprennent rien et d’autres n’ont pas accès à cause du manque du courant électrique.
Reprendre les cours en ce moment avec plus de 2200 cas positifs du Corona virus et surtout uniquement les classes des 6ème années primaire et secondaire fait débat à la cité, à la radio, à la télévision et surtout dans les réseaux sociaux.
Certains prétendent dire que, le ministre Bakonga  étant conscient de sa non reconduction en cas de remaniement du gouvernement et surtout étant lui-même promoteur d’écoles, c’est-à-dire, juge et partie,  il veut à tout prix empocher les frais de participation au Tenafep et à l’Exétat 2020. Et sans se passer de la cagnotte des sociétés de télécommunication partenaires dans la publication des résultats. D’autres estiment à tort ou à raison que, le ministre ne veut pas rater cette opportunité offerte pour s’amasser beaucoup d’argent.
Avec cette impréparation, on risque d’avoir comme autre fois une laureate avec 73 % à l’Exétat de la section commerciale d’un institut de la place mais qui ne savait articuler aucune phrase correcte en français ou encore un autre étudiant en deuxième licence en droit d’une université de Kinshasa à qui on avait demandé ce qu’il entendait par francophonie et qui avait répondu n’avoir aucune idée.
Avec ces deux illustrations triées au volet, nous avons à peu près une idée sur le niveau de l’enseignement au Congo. L’Etat en porte la plus grande part dans ce délitement.
Lorsqu’on a la conscience d’appartenir à une nation, le devoir de solidarité nationale oblige tout Congolais à lever la voix pour dénoncer n’importe quel abus.

Par Joseph Lounda
Le Télégramme du Congo (LTC)

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