Mystère sur la mort de Lumumba, Dag Hamlarskjöld, Philippe Bernard, Laurent-Désiré Kabila, Zaidan Catalan et Michaël Sharp, Luca Attanasio, à quand la vérité?
Par Joseph Lounda
Le Télégramme du Congo (LTC)
La RDC n’est pas seulement présentée comme un paradis sur terre ou un véritable scandale géologique. Un territoire que la Chine ou la France ou encore les Etats-Unis d’Amérique n’a pas pour asseoir sa suprématie.
Mais en dépit de cette image glorieuse se cache un tableau sombre, une image qui impacte négativement sur son histoire, «l’insécurité».
Ce grand pays au cœur de l’Afrique est aussi présenté comme l’enfer sur terre, on dirait le Pergame, le trône de Satan. L’Est du Congo est l’une des zones les plus dangereuses au monde que ces trois pays cités ci-haut déconseillent ses ressortissants à visiter, de peur d’être décapité ou violé. Dans ce coins, il ne se passe pas un jour sans que des civils soient massacrés, des femmes et filles violées et les ressources du pays pillées.
Bien que potentiellement riche, le peuple congolais est parmi les peuples les plus pauvres de la planète, nombreux parmi eux ont perdu le goût de vivre dans leur pays à cause de la misère et de l’avenir incertain. Les jeunes n’hésitent pas à braver la mer méditerranéen pour espérer une vie heureuse en Europe. Dans des bateaux des fortunes en partance de la Tunisie ou de la Lybie vers l’Espagne ou l’Italie, plusieurs n’arrivent pas en destination et finissent leurs aventures noyés au fond de la mer.
Mais cette problématique de l’insécurité, de la pauvreté ou du sous développement du Congo n’est pas l’apanage seul des dirigeants congolais mais aussi des grandes puissances bien que les médias occidentaux font sourdes oreilles.
Et la guerre ou l’instabilité au Congo n’emporte pas uniquement le petit peuple, mais aussi des grandes personnalités nationales et internationales.
L’on peut citer le premier Premier Ministre congolais Patrice Emery Lumumba, dont 61 ans après son assassinat l’on n’a toujours pas élucidé les vraies circonstances de sa mort.
En cette même période de l’année 1961, le Secrétaire Général de l’Onu, le suédois Dag Hamlarskjöld s’écrase dans un avion non loin du Katanga. Comme pour Lumumba, les vraies causes du crach de son avion restent inconnues jusqu’à ce jour. Bien que d’autres langues disent à tort ou à raison, que ce diplomate onusien est mort pour le bien de l’Afrique et du Congo et s’était même opposé à l’assassinat de Lumumba et menaçait de révéler les coupables au grand jour.
En 1993, l’ambassadeur français Philippe Bernard est tué à Kinshasa. Selon la version du gouvernement zaïrois de l’époque, Philippe Bernard est mort de suite d’une balle perdue. Mais la France et sa famille pensent le contraire.
En 2001, le Président Laurent-Désiré Kabila est tué dans son bureau du palais de Marbre, 20 ans après cet assassinat odieux le mystère demeure.
Que dire du récent assassinat de l’ambassadeur d’Italie Luca Attanasio, tué en février dernier en plein parc de Virunga? Sans se passer de l’assassinat de Zaida Catalan et Michael Sharp, deux experts de l’ONU tués en 2017 au Kasaï.
Voilà à quoi se focalise le dossier de cette semaine consacré au mystère sur les assassinats ciblés de grandes personnalités en RDC. Nous vous publions ci-dessous les articles de nos confrères de la RFI, BBC, Jeune Afrique… pour enrichir le dossier.
Assassinat de Patrice Lumumba : « Connaître enfin la vérité est un droit légitime et un devoir collectif »

Par Romain Gras/JA
La justice belge a annoncé qu’elle allait rendre une dent de Patrice Émery Lumumba à sa famille. Juliana Lumumba, la fille du héros de l’indépendance congolaise, revient pour Jeune Afrique sur l’enjeu symbolique de cette décision et, surtout, sur les zones d’ombres qui entourent toujours l’assassinat du premier Premier ministre du Congo indépendant en 1961.
Une dent. Voilà ce que la justice belge a annoncé qu’elle allait restitué à la famille de Patrice Lumumba. Cette dent, jusque-là sous scellée car étant une des pièces du dossier judiciaire ouvert en Belgique sur la mort de Lumumba, est l’un des rares reste de celui qui est, encore aujourd’hui, connu comme le héros de l’indépendance congolaise.
Éphémère Premier ministre d’un Congo tout juste indépendant, en 1960, connu pour son célèbre discours le jour de l’indépendance, Patrice Lumumba avait été, quelques mois plus tard, renversé puis arrêté.
Le 17 janvier 1961, dans le Katanga brièvement sécessionniste de Moïse Tshombe, Lumumba sera torturé sous la supervision d’officiers belges, avant d’être exécuté dans des circonstances qui n’ont, soixante ans après, toujours pas été élucidées.
Le corps, lui, n’a jamais été retrouvé. Et pour cause. En 2000, dans un documentaire télévisé, le commissaire de police belge Gérard Soete a raconté avoir découpé et dissous dans l’acide le corps de l’ancien Premier ministre. Preuve à l’appui, il a affirmé avoir conservé une dent de ce dernier, relique qui sera saisie en 2016 dans le cadre de l’enquête ouverte en 2012 par le parquet fédéral belge, suite à la plainte déposée par plusieurs enfants du défunt Premier ministre.
Si elle salue dans cette décision une « victoire », Juliana Lumumba, la fille de Patrice Émery Lumumba, insiste surtout sur son enjeu symbolique et rappelle que des zones d’ombres persistent autour de l’assassinat du héros de l’indépendance congolaise.
Jeune Afrique : Quelle a été votre réaction lorsque vous avez appris que la justice belge avait décidé que votre famille recevrait la relique saisie en 2016 chez Gérard Soete ?
Juliana Lumumba : C’est une grande victoire et une vraie satisfaction de savoir que, soixante ans après, les restes de mon père pourront rentrer au pays, que l’on pourra enfin l’enterrer dignement sur la terre de ses ancêtres et que nous, Congolais, pourront lui rendre hommage. C’est un soulagement après un long combat.
Ces dernières semaines, j’ai adressé une lettre au roi des Belges [le 30 juin, NDLR]. Nous avons réalisé une vidéo également. J’ai aussi écrit au président Félix Tshisekedi, et j’ai rencontré le chargé d’affaires de la Belgique en RDC, qui souhaitait en savoir plus sur la démarche.
C’est un geste nécessaire pour faire avancer cette histoire commune, certes dramatiques. Nous ne sommes plus en 1960, et il y a une volonté réelle de voir les relations entre les deux pays s’améliorer. C’est un pas positif dans cette voie.
Des zones d’ombres persiste sur les circonstances de la mort de votre père. La justice belge a ouvert une enquête en 2012 après une plainte déposée par votre famille. Cette procédure n’a toujours pas abouti, mais avez-vous connaissance d’avancées marquantes dans l’enquête?
Je ne peux pas dire avec précision si il y a des évolutions réelles. La justice n’a jamais été très rapide, d’un côté comme de l’autre.
Mais aujourd’hui, il y a une volonté nouvelle de faire avancer cette procédure. Quand le procureur fédéral belge rappelle qu’il y a une action judiciaire en cours, et dit qu’il est prêt à aller au bout de l’enquête, ce sont des signaux positifs. Tout comme lorsqu’il assure qu’il est prêt à demander la levée du huis clos imposé à une partie des travaux de la Commission parlementaire censée faire la lumière sur cette affaire, dont les conclusions ont été rendues publiques en 2002.
Craignez-vous de devoir, un jour, vous résigner à ne pas connaître l’étendu des responsabilités exactes dans l’assassinat ?
Connaître enfin la vérité sur ce qu’il s’est passé est un droit légitime. C’est aussi un devoir collectif. Dans cette histoire, les Belges ne sont pas les seuls à ne pas avoir eu le beau rôle. L’assassinat de Patrice Lumumba a été commis, aussi, avec la complicité de certains acteurs congolais. Nous avons le droit de savoir comment cela s’est réellement passé.
Il y a une demande de vérité et de justice, mais aujourd’hui, en face, il n’y a rien. Officiellement, il n’y a pas de coupable. Ce n’est pas acceptable. Cela fait des années que l’on attend des éclaircissements sur les conditions, que l’on sait abjectes, dans lesquelles Patrice Lumumba a été tué.
Ce que l’on sait, on l’a entendu d’un policier qui s’est exprimé face à une caméra, dans un documentaire. Ce n’est pas confidentiel. Imaginez ce que l’on peut ressentir lorsque l’on entend ce genre de récit. Dans un tel contexte, la restitution des restes, que nous réclamions, peut aider à panser des plaies ouvertes depuis soixante ans.
Comment le rapatriement va-t-il se dérouler, concrètement ?
Mon père est le premier Premier ministre de ce pays. Il a été assassiné. Il est un héros national, le 17 janvier, jour de son assassinat, est un jour férié. La Belgique elle-même a récemment inauguré une place Lumumba à Bruxelles et une rue Lumumba à Charleroi… Notre père est une personnalité nationale et internationale qui ne nous appartient pas. C’est pour cela qu’il y a des pourparlers avec les autorités congolaises et belges, pour voir dans quelles conditions nous pourrons organiser un retour digne et sobre.
Le 30 juin Philippe de Belgique exprimait ses « profonds regrets » pour son passé colonial au Congo. Le retour des restes de votre père peut-il aider ce travail de mémoire ?
Comme c’est le cas avec tous les pays qui ont été colonisés, les contentieux avec les anciens colons sont nombreux et ne s’effacent pas du jour au lendemain. Il y a encore des passions, des pages qui ne sont pas tournées, des choses qui ne sont pas dites. Comment espérer que les relations soient saines entre un pays qui a asservi un autre ? Il faut qu’il y ait un dialogue continue. Il est d’autant plus important que la vérité soit dite, que ce passé influence le présent des deux pays.
Retour sur la mort mystérieuse et tragique de Laurent-Désiré Kabila
Par Mamadou Faye /BBC

Né le 27 novembre 1939 à Jadotville, actuelle Likasi, l’ancien président de la République démocratique du Congo, Laurent-Désiré Kabila, a été tué le 16 janvier 2001 à Kinshasa.
Cet assassinat, est survenu 40 ans après celui de Patrice Lumumba, le père de l’indépendance du Congo Belge.
Circonstances d’une mort polémique
Alors que l’actuel président de la République, Félix Tshisekedi a récemment gracié toutes les personnes qui étaient condamnées pour l’assassinat de Laurent-Désiré Kabila, dont le colonel Eddy Kapend, le flou reste entier sur les vraies circonstances de l’élimination physique de l’ancien président congolais.
Au début de l’après-midi du 16 janvier 2001, Laurent-Désiré Kabila est abattu dans des circonstances floues, dans sa résidence du palais de Marbre, à Kinshasa.
Rashidi Mizele, un ancien enfant-soldat devenu membre de sa garde rapprochée, est accusé. Quelques instants plus tard, il est abattu sur place par le colonel Eddy Kapend, l’aide de camp du président Kabila.
Dr Mashako Mamba, ministre de la Santé et proche de Kabila, est présent à cet instant. Il va tenter vainement, dit-on, de réanimer le président assassiné.
Plus tard, dans les heures qui suivent, le gouvernement fait une déclaration pour annoncer que le président Kabila était encore en vie au moment où il était transporté d’urgence vers un hôpital au Zimbabwe.
Le colonel Eddy Kapend prend momentanément le pouvoir dans un climat tendu et assure l’intérim pour permettre aux autorités d’organiser la succession du défunt président.
Dans cet imbroglio total, durant lequel certains hauts officiers ont pris la fuite, le colonel Kapend contrôle la situation après la mort du président.
A cause de cet engagement, durant le processus de la succession, il sera accusé plus tard par les membres du gouvernement d’avoir tenté de prendre le pouvoir.
Le colonel Kapend s’est saisi de l’occasion de la commémoration en 2018 de la mort du président Laurent-Désiré Kabila, dans la prison de Makala à Kinshasa, pour réclamer son innocence.
Le jeu de la succession
Un «comité de crise» est formé sous l’égide des ministres d’État Gaëtan Kakudji (décédé le 21 juillet 2009 à Bruxelles), Abdoulaye Yerodia (mort le 19 février 2019 à Kinshasa), ministre des Affaires étrangères et Mwenze Kongolo, ministre de la Justice.
Gaëtan Kakudji, le numéro deux du gouvernement, décrète un couvre-feu sur toute l’étendue de la capitale.
Après moult concertations, les membres du comité de crise désignent Joseph-Désiré Kabila pour succéder à son père assassiné.
Le gouvernement annonce avoir simplement, par cet acte, accompli la volonté du défunt chef de l’Etat qui avait désigné son fils pour lui succéder, en cas de décès.
Joseph-Désiré Kabila était à l’époque le numéro 2 de l’armée congolaise. Dix jours après, le 26 janvier 2001, Joseph Kabila est investi président de la République démocratique du Congo.
Intrigues à Kinshasa
La résidence du palais de Marbre à Kinshasa a été le théâtre de mouvements et tractations dont la suite ne sera jamais connue.
Dans les heures qui ont suivi l’assassinat du Président Kabila, une missive vraisemblablement signée de l’attachée militaire de l’ambassade américaine de l’époque a été retrouvée dans les affaires du défunt.
«En cas de problème, contactez ce numéro», aurait été écrit dessus.
Il est aussi révélé que le président Kabila devait recevoir une délégation iranienne qui l’attendait, le jour même de l’assassinat, pour une négociation visant à fournir de l’uranium à l’Iran.
L’enlèvement et l’exécution, le même soir du meurtre, de onze ressortissants libanais liés au milieu du diamant, sont des zones d’ombre qui ont entouré les péripéties de cet assassinat.
Le colonel Eddy Kapend nie avoir commandité le meurtre du président Kabila
Une cour militaire se chargera de diligenter le procès d’une centaine de personnes (militaires et civils, dont quatre enfants-soldats) accusées de l’assassinat du président malgré les mises en garde de la communauté internationale.
Le colonel Eddy Kapend et vingt-cinq autres personnes seront condamnés à mort en janvier 2003 sans que la peine prononcée soit exécutée.
Emmanuel Dungia, ancien ambassadeur de la République démocratique du Congo en Afrique du Sud et plusieurs autres personnes sont également accusées d’avoir participé à un complot visant à renverser Joseph-Désiré Kabila, le fils du défunt président.
Longue carrière de guérillero
Engagé dans une lutte acharnée contre le régime de feu Maréchal Mobutu Sese Seko à partir des années 1960, son parcours de combattant va le mener un peu partout en Afrique de l’est et du centre.
C’est vers 1961 que Laurent-Désiré Kabila va s’engager dans la lutte contre la gendarmerie katangaise dans les rangs de la jeunesse du Parti Balubakat, le parti qui regroupe les membres de l’ethnie des Lubas dont est issu son père.
Très vite, il sera remarqué par Jason Sendwé, le chef de la Balubakat, qui le nomme «colonel» des jeunesses de la milice ethnique au Katanga.
En septembre 1963, il est nommé secrétaire général aux affaires sociales, Jeunesse et Sports du Comité national de libération (C.N.L.).
Affrontements entre l’armée et les rebelles en RDC
Cette formation politique nationaliste et révolutionnaire s’inspire de Patrice Lumumba.
En juillet 1964, il participe à l’insurrection déclenchée par les forces lumumbistes de l’armée populaire de libération pour s’emparer d’Albertville, l’actuelle Kalémié, capitale du Nord-Katanga.
Il est nommé vice-président du gouvernement provisoire qui ne durera que quelques mois.
Au début de l’année 1965, il se replie au Kivu où il est nommé chef des opérations militaires par un pouvoir rebelle qui contrôle à cette époque plus du tiers du territoire congolais. Il voyage beaucoup et se rend à Nairobi et à Dar es Salam, d’où il dirige les maquis.
Cette absence du front lui aura été vraisemblablement reprochée par Che Guevara, lors de leur rencontre en février 1965 à Dar es Salam.
«Kabila a bâti un empire économique»
De 1967 à 1985, Laurent-Désiré Kabila, règne en chef dans le maquis basé aux alentours de Hewa Bora dans les montagnes de l’extrême sud du Kivu.
Il contrôle le trafic de l’or et de l’ivoire et en tire des bénéfices substantiels.
Le 13 novembre 1984 et en juin 1985, les troupes de Laurent Kabila mènent des attaques dans la zone de Bora (guerres de Moba 1 et Moba 2).
En 1987, les forces armées zaïroises vont mener une offensive répressive qui va entrainer la déroute des troupes du parti de la révolution du peuple (PRP).
Laurent Kabila est perdu de vue après les affrontements de Moba 1 et Moba 2 et se réfugie au Soudan, auprès du rebelle John Garang, chef du plus important maquis soudanais.
Le chef rebelle congolais sera également aperçu à Kampala, en Ouganda, auprès de son ami Yoweri Museveni.
Surnommé Mzee, le Sage en Swahili, Kabila refuse de participer à la Conférence nationale souveraine lors de la transition (1990-19996) qui devait mener le Zaïre vers la 3e République.
En septembre 1996, il va signer un protocole d’accord à Gisenyi, au Rwanda, avec trois autres rebelles zaïrois en exile.
C’est la naissance de l’Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo-Zaïre (A.F.D.L.) dans lequel les quatre participants s’engagent à œuvrer pour chasser Mobutu du pouvoir.
Cette redoutable alliance, militairement aidée par le Rwanda, l’Ouganda et l’Angola, va marcher en quelques mois du Kivu à Kinshasa.
Le 16 mai 1997, à la veille de l’entrée des troupes à Kinshasa, le président Mobutu prend la fuite. Laurent-Désiré Kabila prend le pouvoir, sans effusion de sang, le 17 mai 1997.
Il rebaptise le pays. Le Zaïre redevient le Congo et le franc congolais se substitue au nouveau Zaïre. L’hymne national et la devise du pays sont également changés.
Un règne précaire
Le gouvernement de salut public mis en place en juin 1997 va vite se confronter à de nombreuses difficultés.
Tous les postes de souveraineté nationale (les Affaires étrangères, la Sureté nationale et l’Armée) sont confiés à des Tutsis d’origine rwandaise et ougandaise.
L’incohérence dans la prise des décisions fait penser au peuple que le pays est dirigé par une main extérieure.
La tension monte et Kabila décide de renvoyer chez eux les officiers et soldats étrangers qui l’on aidé à arriver au pouvoir.
Il est immédiatement confronté à une tentative de coup d’État. Plus tard, dans l’Est du pays, va naitre une nouvelle rébellion dirigée par les officiers et ldes soldats des armées rwandaise et ougandaise qu’il avait renvoyés.
Kabila sera militairement soutenu par la Namibie, le Tchad, l’Angola et Zimbabwe pour faire face à cette nouvelle rébellion.
En 1998, l’ancien rebelle entame une gestion autocratique du pouvoir et emprisonne des opposants, dont Étienne Tshisekedi, le défunt père de l’actuel president.
En 1999, il crée le Comité du pouvoir populaire (CPP) à la suite de l’abolition de l’AFDL.Il fonde un nouveau parlement de 300 députés en 2000 et règne en maitre jusqu’à sa mort, le 16 janvier 2001.
ZAIRE: LES MILITAIRES DECHAINES MORT DE L’AMBASSADEUR DE FRANCE

Par Jacques Cordy / Le Soir
Choc en France après la mort mystérieuse de l’ambassadeur à Kinshasa…
Atmosphère d’abattement, vendredi, au Quai d’Orsay. La mort tragique, jeudi soir à Kinshasa, de l’ambassadeur de France Philippe Bernard, 61 ans, atteint en pleine poitrine d’une rafale tirée à travers les fenêtres de son bureau au 4e étage, faisait l’objet de toutes les conversations. On la rapprochait d’un autre épisode sanglant qui a endeuillé la diplomatie de ce pays: l’assassinat à Beyrouth, de l’ambassadeur français Delamare, en juin 1981.
Selon le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, l’ambassadeur se trouvait dans son bureau, et observait, rideaux tirés, des affrontements entre militaires. Les bâtiments qui abritent les services de l’ambassade forment un angle sur cette artère, y offrant deux façades.
Peu après la mort de l’ambassadeur, on s’est aperçu qu’au deuxiè-me étage de la seconde façade, un standardiste zaïrois de l’ambassade avait été, lui aussi, tué sur le coup. Alors, balles perdues ou – comme l’a envisagé un moment le ministre de la Défense, M. Joxe – tirs volontaires? Il apparaît en tout cas que certains tirs ont été dirigés vers «toutes les fenêtres qui étaient éclairées». Mais, même dans le cas de tireurs déterminés, ceux-ci savaient-ils qu’il s’agissait du bâtiment de l’ambassade de France? Dans la confusion qui régnait alors à cet endroit, il est très difficile de le déterminer.
La fin dramatique de l’ambassadeur de France est largement commentée par les médias, radios et télévisions, ici, mais aussi en première page du Monde de vendredi soir, journal qui reprend la version des «balles perdues». Une caricature de Plantu, particulièrement cruelle, montre le maréchal Mobutu qui s’écrie: Quelle idée, aussi, de se mettre à la fenêtre!!?. À quoi un soldat zaïrois répond, à l’arrière-plan où l’on voit un corps qui pend, tête et bras dehors, à une fenêtre de l’ambassade de France, tandis qu’un camion rempli d’hommes armés s’éloigne: Il se croyait en démocratie, chef!
Sous le titre «Pourrissement», un éditorial du journal constate: L’armée (zaïroise), une fois de plus, vient d’apposer sa signature sanglante à la lente agonie du régime «mobutiste» (…) Les pillages et les fusillades (…) donnent une idée désastreuse, mais exacte, du degré de pourrissement auquel est arrivé ce pays que l’acharnement d’un homme, le président Mobutu Sese Seko, a privé de boussole…
Kinshasa, le 28 janvier 1993 : assassinat de Philippe Bernard, ambassadeur de France au Zaïre
Par www.humanite.fr
Ce n’est pas «une balle perdue, mais une rafale d’arme automatique dirigée vers le bâtiment» qui a tué, jeudi soir, Philippe Bernard, ambassadeur de France au Zaïre, a déclaré Pierre Joxe, vendredi, à Lisbonne, où il s’entretenait avec son homologue portugais, Fernando Nogueira. Le ministre de la Défense a ajouté que des dispositions étaient «étudiées et commenceront à être mises en oeuvre, comme cela nous est arrivé dans le passé, pour protéger et évacuer les ressortissants français et aussi de pays amis qui seraient menacés». Une compagnie – 150 hommes – a quitté Bangui, en Centrafrique, pour Brazzaville au Congo, dont le port fait face à celui de Kinshasa de l’autre côté du fleuve. Leur tête de pont a pris pied, dès vendredi après-midi, dans la capitale zaïroise. Une cellule de crise a été constituée au Quai d’Orsay, à l’intention des familles de Français résidant à Kinshasa. Tous les vols internationaux depuis et vers Kinshasa ont été annulés.
Ce qui «nous est arrivé dans le passé» n’est pas si vieux, et tendra à se renouveler si la dérive zaïroise continue. En septembre 1991, mutinerie de soldats, émeutes et pillages dans plusieurs villes furent suivis de l’envoi de militaires belges et français. Quelque 9.000 résidents étrangers d’une trentaine de pays d’Europe, d’Afrique et du Proche-Orient furent évacués. La radio gouvernementale zaïroise fit état de 117 morts à Kinshasa et ailleurs, mais il y en eut plus de 250 selon des témoignages convergents. Jeudi, les violences ont fait 45 morts et 131 blessés, selon l’organisation Médecins sans frontières-Belgique.
Un civil italien a été abattu et le Conseil des ministres belge a décidé d’envoyer un contingent, en coordination avec la France.
La dernière mutinerie de militaires mécontents de leur sort ne remonte qu’à décembre dernier, à Kisangani, où la garnison faisait le compte de ses retards de solde. Le maréchal Mobutu, qui vit sur l’économie du pays sans jamais rendre à César ce qui revient à celui-ci, a cette fois cru trouver la parade en faisant imprimer en Allemagne de nouveaux billets d’un montant – excusez du peu – de 5 millions de zaïres généreusement distribués à ses troupes. Mais les commerçants, qui en ont vu d’autres, les refusent, d’où la colère des soldats qui se sont répandus dans les rues afin de se payer sur la population. Ce qui n’est pas pour déplaire à leur chef suprême qui, en envoyant contre eux sa fidèle Garde présidentielle, a provoqué le massacre de dizaines d’entre eux, ajoutant ainsi à l’insécurité ambiante.
Un porte-parole d’Etienne Tshisekedi, premier ministre zaïrois, a lui aussi évoqué «de nombreux cadavres» dans les rues de Kinshasa, regrettant cette nouvelle dérive du pouvoir présidentiel. Elu le 15 août 1992 par la Conférence nationale devenue foyer d’opposition au pouvoir agonisant, le chef du gouvernement gouverne ce qu’il peut face au maréchal. Le 1er décembre, il rejetait l’ordonnance présidentielle mettant fin à son gouvernement. Le lendemain, des blindés empêchaient la tenue du Conseil des ministres. Chef du gouvernement une première fois, en octobre 1991, Etienne Tshisekedi avait un lourd passif: avant d’être écarté, il déclara alors qu’il ne serait pas «le premier ministre du maréchal Mobutu».
Le 6 janvier dernier, Mobutu, qui s’est retiré de la capitale afin d’assurer sa sécurité personnelle et celle de ses proches, reculant devant le mécontentement grandissant de la population, accuse le gouvernement d’avoir été «constitué suivant une procédure antidémocratique». En face, on se déclare déterminé à mobiliser la population pour «mettre fin à la dictature», le président refusant de se soumettre aux décisions de la Conférence nationale souveraine. Puis, Mobutu est accusé de «haute trahison».
C’est dans cette pesante atmosphère que sont intervenues, jeudi, de nouvelles émeutes déclenchées, d’une manière ou d’une autre, par l’armée que contrôle toujours le dictateur vieillissant. Pour la deuxième année consécutive, la cohabitation est devenue scabreuse – c’est le moins qu’on puisse dire – entre celui que de nombreux Zaïrois appellent «Mobutu le Ripou» et ceux qui estiment, à l’instar d’un membre du gouvernement, que «le bilan de trente et un ans d’indépendance est globalement négatif». Mais qui gouverne le Zaïre?
Amère du peu de réaction du gouvernement lors de l’assassinat en 1993 à Kinshasa de son mari, l’ambassadeur de France à Kinshasa Philippe Bernard, sa femme a fait publier dans le carnet du Monde du 28 janvier le texte suivant: «Que l’on rende hommage à un préfet avec éclat est bien légitime. Nous espérons, pour notre mari et père, Philippe Bernard, ambassadeur, assassiné à Kinshasa, le 28 janvier 1993, au service de notre même pays, la reconnaissance de l’Etat. Que la chaleur de son sourire nous rassemble tous en ce jour indélébile. Mme Philippe Bernard, Anne.»
La mort de Dag Hammarskjöld, secrétaire général de l’ONU en 1961, un attentat bien caché?
Par Caroline Briner

Dag Hammarskjöld, le secrétaire général de l’ONU mort en 1961 dans le crash de son avion. Pourquoi l’avion du secrétaire général de l’ONU Dag Hammarskjöld s’est-il écrasé le 18 septembre 1961? Le journaliste danois Mads Brügger a enquêté pendant 6 ans sur cette affaire. Diffusé par la RTS, son documentaire accrédite la thèse d’une attaque par des mercenaires européens préparée en Afrique du Sud.
Mort du secrétaire général de l’ONU
Le 18 septembre 1961, le secrétaire général de l’ONU Dag Hammarskjöld trouve la mort avec 15 autres personnes dans le crash de son avion l’Albertina. L’appareil, un DC-6, avait disparu peu après minuit alors qu’il s’approchait de l’aéroport de Ndola, dans le protectorat britannique de la Rhodésie du Nord (actuelle Zambie). Son épave est retrouvée 15 heures plus tard, à 13 km du tarmac. La majorité des corps sont carbonisés. Celui de Dag Hammarskjöld est intact. Un as de pique a été glissé dans le col de sa chemise.
Le secrétaire général de l’ONU devait rencontrer le président du Katanga, une province congolaise qui avait proclamé son indépendance en 1960, au grand dam du Congo belge, lui-même devenu indépendant. Dag Hammarskjöld s’était fixé comme objectif de mettre fin à la guerre civile et avait envoyé des Casques bleus.
Le site du crash de 1961
A la suite d’un échec militaire, il souhaitait négocier directement un accord de paix avec le président sécessionniste, Moïse Tshombé.
Mais des intérêts financiers et géopolitiques étaient en jeu. Les célèbres mines de cuivre du Katanga étaient alors exploitées par l’Union minière, un groupe industriel ayant des attaches belges et britanniques. La Belgique apportait même un soutien militaire à la province. Dag Hammarskjöld avait été mis en garde contre la dangerosité de son projet. Son décès prématuré apparut rapidement comme le résultat d’un complot.
La version officielle: l’accident
L’enquête officielle, organisée par les autorités coloniales britanniques, conclut à une erreur de lecture de l’altimètre. L’épave de l’avion est enterrée près de l’aéroport. De son côté, Dag Hammarskjöld, suédois, reçoit le prix Nobel de la paix à titre posthume.
En 1962, un rapport de la Commission d’enquête des Nations unies suggère que le charter aurait pu être saboté puisqu’il est resté 2h sans surveillance. En l’absence de preuves, le dossier en reste là pendant plusieurs décennies.
Une attaque perpétrée par une organisation sud-africaine
Au terme de ses 6 ans d’enquête, le journaliste-réalisateur Mads Brügger arrive à la conclusion que le crash a été causé par un attentat. Et que cet attentat a été mis en oeuvre par le SAIMR, une organisation sud-africaine de mercenaires qui avait pour objectif de maintenir la suprématie blanche en Afrique australe.
La Grande-Bretagne et les Etats-Unis auraient été liés à cette attaque, nommée Opération Céleste.
Cette théorie trouve une résonance dans le rapport de l’ONU publié cet automne. Le juge en charge de l’enquête fustige justement Washington, Londres et Pretoria, en les accusant d’opacité totale sur ce dossier. Même s’ils ont nommé un responsable des archives indépendant, ces trois pays n’ont pas répondu à ses questions.
L’Afrique du Sud, le Royaume-Uni et les Etats-Unis doivent très certainement détenir d’importantes informations non divulguées, Mohamed Chande Othman, juge en charge de l’enquête de l’ONU.
Des témoins enfin écoutés
Cette plaque criblée de trou a été donnée au diplomate comme un bout de l’avion de Dag Hammarskjöld.
Le Danois Mads Brügger a mené son enquête avec l’aide du Suédois Göran Björkdahl, qui tente de lever le voile sur ce crash depuis 2007. Son père diplomate avait reçu en 1975 à Ndola une plaque percée de trous provenant soi-disant de l’avion de Dag Hammarskjöld. Göran Björkdahl a interrogé de nombreuses personnes, dont une douzaine de charbonniers noirs, qui vivaient non loin du drame et dont le témoignage avait jusqu’ici été écarté.
Nous avons vu l’avion aller vers l’aéroport pour atterrir. Mais soudain, les lumières de l’aéroport se sont éteintes
témoin A.
Il y avait un gros avion qui arrivait par ici, et un petit avion derrière lui. Il y a eu un bruit… Et ça a pris feu
témoin C.
La face cachée est racontée par l’ancien officier de la NSA Charles Southall. Il apprend le jour J que «quelque chose d’intéressant va arriver vers minuit». Et «7 minutes après minuit», il entend un enregistrement qui dit: «Je vois l’avion de transport s’approcher en contrebas»; puis, après des tirs de mitrailleuse, «Je l’ai touché»; et enfin «Il s’est écrasé». Charles Southall précise que le pilote est «Le Ranger Solitaire», un mercenaire belge (en réalité belgo-britannique). Il assure qu’il ne savait pas qu’il s’agissait de Dag Hammarskjöld à ce moment-là. L’enregistrement est envoyé à Washington.
Le contrôleur radio lui n’a rien vu, selon Göran Björkdahl. Il aurait pris des notes de ces conversations mais les aurait détruites le lendemain, avant de les réécrire deux jours plus tard.
La version officielle est enterrée
En 2013, une commission de juristes indépendante publie un rapport qui intègre les recherches de Göran Björkdahl. Les messages radio mentionnés par Charles Southall ont été demandés à la NSA. En vain. Ils sont encore classés top secret.
La commission relève en revanche qu’il est possible que l’avion ait été attaqué. En outre, la théorie d’une bombe lui paraît crédible en raison du contenu des documents de l’Institut sud-africain pour la recherche maritime, le SAIMR. Ces documents mentionnent une «Opération céleste», qui vise «le sabotage de l’avion» de Dag Hammarskjöld avec des explosifs fournis par l’Union minière belgo-britannique, parce que les Nations unies sont devenues «gênantes». Parmi les conjurés figurent les services secrets britanniques et la CIA américaine. Mais ces documents, révélés par l’archevêque Desmond Tutu en 1998, sont controversés: réalité ou simulacre?
L’ONU nomme un groupe d’experts et la plaque métallique de Göran Björkdahl est analysée.
L’organisme qui défend la race blanche
Plusieurs mois plus tard, le tenace réalisateur Mads Brügger trouve un mercenaire disposé à témoigner: Alexander Jones. Selon lui, le SAIMR était une organisation de mercenaires financée par des gouvernements étrangers et destinée à maintenir la suprématie blanche sur le continent africain via des opérations clandestines. Elle aurait été impliquée dans des coups d’Etat et dans un programme de propagation du virus du sida au moyen de faux vaccins (ce dernier point, largement abordé dans le film, a fait l’objet de plusieurs contestations). Elle comptait près de 5000 membres; la majorité des ordres venait de Grande-Bretagne, selon lui.
L’Afrique aurait été un continent complètement différent aujourd’hui si on avait permis à Dag Hammarskjöld de vivre et de poursuivre son mandat
Alexander Jones – ex-mercenaire
L’une des figures emblématiques de cet institut aurait été un certain Keith Maxwell, toujours vêtu de blanc comme les anciens officiers de marine britanniques. Après sa formation, ce mercenaire dit charismatique aurait été envoyé au Congo, dans un laboratoire secret de l’Armée américaine spécialisé dans la recherche sur la guerre bactériologique.
Dans les années 90, il aurait donné de précieux documents au journaliste sud-africain De Wet Potgieter, ainsi qu’à la mère d’une biologiste recrutée par le SAIMR retrouvée assassinée.
Keith Maxwell évoque l’Opération Céleste dans ses mémoires. Il décrit une séance présidée par le commodore Wagman devant déterminer de quelles façons tuer Dag Hammarskjöld à son arrivée au Congo. Il mentionne également une bombe posée dans la trappe du train d’atterrissage de l’Albertina. Selon l’ex-mercenaire Alexander Jones, trois options avaient été retenues: une bombe, un avion de chasse et des tirs depuis le sol. Le commodore Wagman s’appelait en réalité Robert Wagner.
«Le Ranger solitaire», un mercenaire belgo-britannique
En avril 2014, la déclassification d’un télégramme américain renforce la piste du mercenaire. Avant même que l’épave soit localisée, l’ambassadeur des Etats-Unis au Congo a informé Washington que l’auteur des tirs serait Vak Riesseghel. Ceci confirme les déclarations de Charles Southall, «Le Ranger solitaire» se nommant Jan van Risseghem.
Pierre Coppens, un ancien parachutiste ami du pilote, assure que Jan van Risseghem lui aurait confié son crime, en lui précisant avoir tiré sur les réservoirs situés sur l’aile gauche de l’Albertina, après un décollage de Kipushi, sur une piste aménagée par l’Union minière.
Le réalisateur précise que les jours qui entourent le crash ne sont pas répertoriés dans le carnet de vol. Il indique aussi que Jan van Risseghem a sans doute volé avec son Fouga Magister et qu’un télex indique que le chef du Katanga avait demandé deux avions de chasse à la Rhodésie britannique la veille du crash.
La récente enquête du journaliste français Maurin Picard contredit la plupart de ces points. Selon lui, le pilote pourrait avoir été le mercenaire allemand Heinrich Schäfer; l’avion était un Dornier 28, dont on retrouve la trace 36 h plus tard à Brazzaville, dans l’ex-Congo français. Et Risseghem n’a jamais parlé de Kipushi.
L’ONU possède désormais des clichés qui montrent des impacts de balles sur la carlingue. Mais le commanditaire de l’attentat présumé reste un mystère. Keith Maxwell aurait brûlé les photos et les microfilms des opérations du SAIMR à l’étranger de 1952 à 1984. Quant à la plaque métallique percée de trous de Göran Björkdahl, elle vient probablement d’un Land Rover, selon le FBI. Le principal témoin, Alexander Jones, est désormais en contact avec l’ONU et a déménagé dans un lieu tenu secret.
Luca Attanasio : tout savoir sur l’assassinat de l’ambassadeur d’Italie en RDC
Par BBC

Un voyage à travers l’une des régions les plus dangereuses d’Afrique pour visiter un projet scolaire dans un village a coûté la vie à l’ambassadeur d’Italie en République démocratique du Congo, Luca Attanasio, lundi.
«Aujourd’hui, l’Italie pleure la perte de deux de ses fils et embrasse leurs familles», réagit dans une déclaration le ministre italien des affaires étrangères, Luigi Di Maio, qui exprime également son «grand choc et son immense chagrin» face à ces meurtres «brutaux».
«Tous les efforts seront faits pour faire la lumière sur ce qui s’est passé», ajoute M. Di Maio.
Ont également été tués lors de l’attaque un officier de la police militaire italienne, Vittorio Iacovacci, 30 ans, et un chauffeur congolais dont le nom n’a pas été immédiatement divulgué.
Attanasio, 43 ans, est mort à l’hôpital après que le convoi du Programme alimentaire mondial (PAM) des Nations unies dans lequel il voyageait est attaqué près de Goma, selon un communiqué du ministère italien des affaires étrangères.
Le Premier ministre italien Mario Draghi a fait une déclaration exprimant ses «plus sincères condoléances», tandis que le Président Sergio Mattarella a condamné cette «lâche attaque».
Tentative d’enlèvement ?
Les forces de sécurité ont été déployées dans la zone où l’attaque a eu lieu. L’attaque serait une tentative d’enlèvement, selon les responsables du parc national des Virunga, situé près du site de l’attaque.
L’événement s’est produit vers 10h15 heure locale (08h15 GMT) près de Kanyamahoro, au nord de Goma, indiquent des responsables à Reuters.
On ne sait pas exactement qui était derrière l’attaque, mais on sait que de nombreux groupes armés opèrent dans et autour du parc.
Attanasio était en voyage depuis Goma pour visiter un «programme scolaire» dans le village de Rutshuru, dans l’est de la République démocratique du Congo, annonce le PAM à Rome dans un communiqué.
«L’attaque… a eu lieu sur une route qui avait été préalablement autorisée à circuler sans escorte de sécurité», ajoute-t-il. L’armée de la RDC a depuis lors déployé des troupes pour aider à la recherche dans la région.
Différentes milices armées s’affrontent aussi régulièrement dans l’est du pays, où une importante force de l’ONU se bat pour maintenir la paix.
Comment l’ambassadeur a-t-il été tué
Dans une note, explique la presse présidentielle congolaise dans un communiqué, le gouverneur de la province du sud-Kivu retrace les faits ayant conduit à l’assassinat du diplomate étranger.
«L’on apprend que M. l’Ambassadeur est arrivé à Goma le vendredi 19 février 2021 à 10h30, à bord du jet de la MONUSCO immatriculé 5Y/SIM», raconte le gouverneur.
«À 9H27, ce lundi 22 février 2021, un convoi de deux véhicules du Programme Alimentaire Mondial «PAM» est parti de Goma pour la commune de Kiwanja, en Territoire de Rutshuru, à son bord, outre le garde du corps de l’Ambassadeur et les chauffeurs, son Excellence Monsieur l’Ambassadeur d’Italie en RDC et des agents du PAM», poursuit-il.
«À 10h15, ce convoi est tombé dans une embuscade à plus où moins 15 km de Goma et 3 km avant la Commune Rurale de Kibumba, plus précisément à Kanyamahoro sur la RN2 en Territoire de Nyiragongo», raconte l’officiel.
«Les assaillants, au nombre de 6 et munis de 5 armes de type AK47 ainsi que d’une machette, ont procédé par des tirs de sommation avant d’obliger les occupants des véhicules à descendre et à les suivre dans le fin fond du Parc et ce, après avoir abattu l’un des chauffeurs afin de créer la panique», précise-t-on dans le communiqué.
Alertés par les tirs des armes automatiques, les éco-gardes et les éléments des forces armées de la RDC présents dans la zone ont poursuivi les assaillants.
«À 500 m, les ravisseurs ont tiré à bout portant sur le garde du corps décédé sur place et sur l’ambassadeur, le blessant à l’abdomen. Ce dernier a succombé à ses blessures, une heure plus tard, à l’hôpital de la Monusco de Goma», apprend-on.
Attanasio représentait l’Italie en République démocratique du Congo depuis 2017. Il a rejoint le service diplomatique en 2003 et a passé du temps au Maroc et au Nigeria.
La réaction du président Tshisekedi
Le gouvernement congolais, par la voix du président de la République, Félix Tshisekedi, a vivement condamné l’assassinat du diplomate italien.
Par l’intermédiaire d’un émissaire à Rome, le chef de l’Etat, dans un communiqué publié par la presse présidentielle, «condamne avec la plus grande fermeté cette attaque terroriste qui a visé le convoi de l’ambassadeur se trouvant à bord du véhicule de PAM».
«Le garant de la nation instruit, toutes affaires cessantes, les services compétents pour que la lumière soit faite sur ces crimes odieux dans les meilleurs délais et que leurs auteurs soient identifiés et traduits devant la justice», déclare le président Tshisekedi.
RDC : panique à Kinshasa
A la suite d’un comité de crise réuni lundi sous la direction du gouverneur de la région du Nord-Kivu, Carly Nzanzu Kasivita, une équipe de la présidence se rend ce mardi à Goma pour «accompagner les enquêtes en cours et rendre compte, régulièrement, au chef de l’État».
Le président Tshisekedi va également dépêcher ce mardi un émissaire pour lui apporter sa lettre personnelle au président du Conseil italien.
Attanasio est le premier ambassadeur à être tué dans le pays depuis que le Français Philippe Bernard a été abattu lors des émeutes dans la capitale, Kinshasa, en 1993.
Normalement, les convois d’aide traversant l’Est de la RD Congo sont fortement gardés par les troupes de l’ONU et des questions sont susceptibles d’être soulevées quant au niveau de sécurité du convoi d’Attanasio.
Le diplomate traversait l’Est, la partie la plus instable de la RDC. De nombreux groupes armés locaux, ainsi que ceux du Rwanda, du Burundi, de la République centrafricaine (RCA) et de l’Ouganda, se sont établis dans la région au cours des 25 dernières années.
L’attentat met en évidence le fait que la stabilité dans la région ne reviendra que si une solution est trouvée aux problèmes politiques de tous ces pays.
La République démocratique du Congo a été pendant de nombreuses années au centre d’une guerre civile brutale qui a touché plusieurs pays voisins.
Le conflit a tué environ cinq millions de personnes entre 1994 et 2003, et certains observateurs l’ont appelé la Grande Guerre d’Afrique.
Mais sa fin n’a guère contribué à mettre fin à la violence. Des dizaines de milices et de groupes rebelles continuent à opérer dans les régions de l’est.
La mission de maintien de la paix des Nations unies est présente en République démocratique du Congo depuis 1999. C’est l’une des plus grandes opérations de maintien de la paix au monde, avec plus de 17 000 soldats sur le terrain.
Zaidan Catalan et Michaël Sharp, deux experts de l’ONU tués en mars 2017 au Kasaï
Par RFI
Le 12 mars 2017, des assaillants ont sommairement exécuté Zaida Catalán, une Suédoise, et Michael Sharp, un Américain, alors qu’ils documentaient, pour le compte du Conseil de sécurité de l’ONU, de graves violations des droits humains perpétrées dans la province du Kasaï-Central. Les casques bleus de l’ONU ont retrouvé leurs corps deux semaines plus tard près du village de Bunkonde. Leur interprète congolais, Betu Tshintela, est toujours porté disparu, de même que les trois chauffeurs de moto qui les accompagnaient – Isaac Kabuayi, Pascal Nzala et Moïse (nom de famille inconnu). Le procès d’une cinquantaine de prévenus, s’est ouvert en juin 2017 devant un tribunal militaire de Kananga, la capitale provinciale, et une équipe spécialisée de l’ONU, le Mécanisme de suivi, y apporte soutien et conseil.
« La justice congolaise devrait explorer toutes les pistes afin que toute la vérité soit révélée sur l’assassinat des experts de l’ONU, le sort de leur interprète et de leurs chauffeurs », a déclaré Thomas Fessy, chercheur principal pour la RD Congo chez Human Rights Watch. « D’autres hauts fonctionnaires, notamment ceux dont la responsabilité serait d’avoir planifié et ordonné les meurtres, devraient faire l’objet d’enquêtes. »
Des violences liées au contrôle coutumier des chefferies locales ont éclaté dans la région du Kasaï en 2016. Ce conflit était clairement lié à la dynamique politique nationale, l’armée congolaise soutenant l’autorité de personnes considérées comme fidèles au président de l’époque, Joseph Kabila, et à sa coalition politique, et certaines milices armées soutenant des personnes considérées comme plus proches de l’opposition. Ces violences ont causé la mort de centaines de personnes et le déplacement de plus de 200 000 personnes.
Le gouvernement Kabila avait rapidement imputé ces meurtres à la milice Kamuina Nsapu. Mais un nombre croissant de preuves a mis en évidence le rôle de responsables de l’Etat, notamment grâce aux enquêtes menées par Human Rights Watch, aux reportages de Radio France Internationale (RFI) et de Reuters, ainsi qu’une investigation conduite par un consortium de médias internationaux connue sous le nom de « Congo Files. »
Les tribunaux de Kananga ont mené les procédures avec lenteur et le procès a été suspendu de mars à octobre 2020, en raison de la pandémie de Covid-19. Plus de cinquante prévenus ont jusqu’à présent été inculpés mais seulement une dizaine d’entre eux ont été directement cités lors des audiences. D’autres accusés restent toujours introuvables et deux prévenus sont morts en détention dans des conditions suspectes. Au moins trois autres accusés ont affirmé avoir été torturés par la police et au siège de l’agence nationale de renseignement (ANR). D’autres se sont évadés de la prison de Kananga en mai 2019 et n’ont pas été appréhendés. Le manque d’assistance judiciaire pour certains prévenus, en violation de leurs droits fondamentaux, a également causé de nombreux retards dans la procédure, et les services de sécurité congolais se seraient ingérés dans l’enquête.
Au cours de l’année écoulée, les autorités ont arrêté trois individus présentés comme des acteurs clés dans les assassinats. Une vidéo de l’exécution, qui a circulé pendant les semaines ayant suivi les assassinats, n’a cependant pas encore été examinée en tant que preuve matérielle permettant d’identifier les assaillants.
L’instruction devrait aller au-delà des exécutants et, s’il y a lieu, orienter l’enquête vers les échelons supérieurs de la chaîne de commandement, a affirmé Human Rights Watch. Le colonel Jean de Dieu Mambweni, officier militaire, et Thomas Nkashama, agent de l’immigration, sont les seuls responsables des services de sécurité ou de l’État parmi les prévenus. José Tshibuabua, un suspect qui était un informateur de l’Agence nationale de renseignement, est mort en détention fin 2019.
« Ce ne sont pas seulement nos familles mais aussi les populations du Kasaï et du Congo qui méritent de savoir la vérité », a déclaré Elizabeth Morseby, la sœur de Zaida Catalán, par téléphone à Human Rights Watch. « Eux aussi ont besoin de refermer la plaie suite aux horribles abus sur lesquels Zaida et Michael enquêtaient dans la région. Il est dans l’intérêt de tous que cette affaire soit résolue. »
Lors d’audiences plus récentes, le ministère public a commencé à analyser des relevés téléphoniques apportant des preuves circonstancielles selon lesquelles certains des prévenus étaient effectivement en contact à l’époque des meurtres, contredisant ainsi les récits précédents basés sur leurs témoignages.
Un signe de progrès est le fait que davantage de personnes disposant d’informations potentiellement pertinentes ont été appelées à comparaitre devant le tribunal. Il s’agit, entre autres, de Sonia Rolley, journaliste de RFI, qui se trouvait au Kasaï-Central au moment des faits et qui a depuis enquêté dessus.
Le président Tshisekedi avait affirmé, lors de réunions avec Human Rights Watch et des hauts fonctionnaires des Etats-Unis, notamment, qu’il était déterminé à faire en sorte que toute la vérité soit enfin révélée, et que les principaux responsables des meurtres soient tenus de rendre des comptes. Les hauts fonctionnaires impliqués, actuels et anciens, ne devraient pas s’en tirer sans poursuites et toute personne qui s’immisce dans la procédure, falsifie des preuves ou menace les prévenus et témoins devrait être dûment sanctionnée.
Le Mécanisme de suivi de l’ONU et les partenaires internationaux de la RD Congo devraient encourager les autorités à analyser toutes les preuves pertinentes et à explorer chaque piste jusqu’à ce qu’elles soient toutes épuisées. Avec le soutien de l’ONU, les autorités congolaises devraient faire en sorte que la sécurité de tous les témoins et prévenus soit assurée.
