POLITIQUE

Interview exclusive, Joseph Kabila brise son grand silence !

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Mes 18 ans vous les comparez à quoi ? On ne peut pas opposer un bilan de 18 ans aux promesses non tenues et aux vœux pieux. On dit tout à son sujet. On l’accuse de tout. Mais, il ne dit rien. Est-ce pour dire qu’il n’aurait rien à dire ? Il faut se détromper. Bien au contraire, il a beaucoup à dire. Il a des réponses à toutes les questions que vous vous posez. A distance, à travers La Colombe, Le Poing gauche, nous ramassons avec lui, toute l’actualité politique du pays dans ce jeu question-réponse.

Question : Comment vous sentez-vous, deux ans après l’alternance ?
JKK : Je me porte bien. Je vous l’aviez dit, qu’il y a une vie après la présidence de la République. Que vous dire encore ? Si vous voulez savoir comment je vis ce qui arrive à mon pays, là je serais sans nuances, sans philosophie endormante. Je me sens mal. Très mal !
Question : Et pourtant, tout le monde est d’avis que sans pressions, vous n’auriez pas lâché prise?
JKK : Tout le monde ? Quel monde ? Et vous parlez de pressions, de la part de qui ? Une chose est vraie, lorsque la vie politique nationale est  théâtralisée, on ne sait plus où commence l’univers théâtral, où est-ce qu’il s’arrête. Il y a dans ce pays, des gens capables de se mettre dans la rue pour promettre à la population que grâce à eux, le soleil  se lèvera désormais à l’Est pour se coucher à l’ouest. Leur chance, c’est qu’ils ont des gens pour croire en eux et pour les applaudir. Et les mêmes gens sont capables d’occuper la rue le lendemain et demander au gouvernement d’arrêter le soleil pour qu’il ne se couche pas,  parce que pensent-ils, la nuit favoriserait l’insécurité. Devrait-on s’occuper de tels mauvais comédiens ? Imaginez-vous que, même à deux jours des élections de 2018, ces gens disaient craindre que Kabila puisse se représenter pour un troisième mandat. Apparemment, ils ne savent pas ce que c’est,  avoir un troisième mandat. Ils ne connaissent pas  les préalables pour  arriver à s’offrir un mandat en dehors des prescrits constitutionnels. Sans aucun doute, on a affaire aux gens qui ignorent tout de la Constitution.
Question : Votre bilan de 18 ans, n’est-ce pas ce qui vous avait décidé de ne pas vous représenter ?
JKK : Vous dites une chose et son contraire à la fois. Se représenter, ce n’est pas une question de volonté personnelle. Même-si j’aurais fait de la Rdc un paradis sur terre, après deux mandats, je devrais partir. Dans mon agir de chaque jour, dans mon discours, personne ne peut me rappeler un geste, une parole qui ferait penser à une tentative de violer la Constitution pour m’offrir un troisième mandat.
Question : Certains de vos lieutenants avaient exprimé la nécessité de réviser la Constitution?
JKK : Je ne savais pas que l’on pouvait modifier une Constitution par des avis des scientifiques, des journalistes ou des politiques. Il y a une procédure pour réviser une Constitution. Peut-on me dire où et par qui,  telle procédure avait été amorcée.
Question : Votre bilan, parlons-en. Au plan politique, économique et sécuritaire?
JKK : Vous avez ciblé là, des domaines clés où, s’il n’y a pas de progrès, on ne peut s’attendre à des progrès dans d’autres domaines. En ce qui concerne le domaine politique, vous savez dans quelles circonstances j’ai accédé au pouvoir. Le Chef de l’Etat venait d’être assassiné. Pendant ce temps, le pays était en guerre, occupé au presque en trois quarts par des troupes rwandaises et ougandaises qui accompagnaient le Rcd et le Mlc. Sur les onze provinces, le gouvernement de Kinshasa ne contrôlait que le Bandundu, le Bas-Congo, une partie du Kasaï occidental, une partie du Kasaï oriental une partie du Katanga et une partie de l’Equateur. Le Rcd et le Mlc avaient instauré ce qu’ils appelaient « administrations » auxquelles ils avaient attribué unilatéralement une certaine autonomie. Le pays était près de la balkanisation. C’est par miracle que l’éclatement n’était pas intervenu. Quand j’arrivais au pouvoir, la solution que j’avais trouvée sur la table et qui avait du plomb dans l’aile, c’est le « dialogue inter congolais ». Je n’avais pas attendu deux ans pour agir. Nous avions rappelé Ket Masire, ancien président du Botswana, désigné par la communauté internationale pour jouer la médiation entre les Congolais. Les travaux préparatoires étaient ouverts à Gaborone au Botswana. Quant aux travaux proprement dits, ils étaient prévus à Addis-Abeba. Mais ils ne se tiendront finalement qu’à Sun City en Afrique du Sud. Une transition très laborieuse était mise en place. Les institutions de la troisième République et une  nouvelle Constitution ont été mises en place.  Pour la première fois, après 1964, le pays a connu les élections démocratiques et pluralistes. Sans cela, on ne parlerait ni de la démocratie ni de l’alternance. Loin de moi l’idée de blâmer ceux qui ne veulent pas prendre en compte cette réalisation politique.  Mais,  qui  comprendrait que le retour à la légitimité démocratique rompue en 1961 ne soit pas considéré comme une grande avancée politique ? Curieusement, la tendance est d’oublier ce qui est fait pour ne se focaliser que sur ce qui n’est pas fait.
Question : Vous donnez l’impression de vous approprier le mérite de tous les politiciens dont les chefs des mouvements rebelles?
JKK : J’entends certaines gens  prendre cette ligne de défense, articuler cet argument. Cela s’appelle amener le débat – si débat il y a – vers le bas. Vous avez peut-être oublié qu’il y avait eu dans ce pays une Conférence nationale souveraine (Cns), appelée « forum de la dernière chance ». Contrairement au Dialogue inter congolais, la Cns s’est terminée en eu de boudin, et cela, en dépit des espoirs y placés par le peuple et malgré la volonté de toute la classe politique. Il avait suffi que le Chef de l’Etat ait une autre perception de ce forum pour que les espoirs de la majorité s’émoussent. A l’issue de la Conférence nationale, même la commission électorale n’était pas constituée. Et pourtant, contrairement au Dialogue inter congolais, les acteurs de la conférence nationale n’avaient pas pris les armes les uns contre les autres et surtout contre  le pouvoir en place. Enfin, si le dialogue inter congolais n’avait pas abouti, on ne pointerait pas du doigt tous les participants. C’est le Président de la Rdc qu’on accuserait. On dit même que tous les textes de lois élaborés pendant la transition, étaient taillés sur « ma mesure ». Pourquoi n’accuse-t-on pas les autres hommes politiques ?
Question : Au plan sécuritaire, on dit que 18 ans après, vous n’avez pas mis fin à  l’insécurité à l’Est du pays?
JKK : Vous parlez de l’insécurité à l’Est. Par mauvaise foi ou peut être par ignorance, vous ne dites pas que quand je suis arrivé au pouvoir, l’insécurité était partout au pays. Je l’ai dit. En plus de grandes rébellions qui s’étaient terminées par la signature de l’Accord de Sun City, nous avions connu d’autres attaques. C’était le cas du CNDP né au lendemain de la mise en place des institutions de la transition. Après le CNDP, nous avions affronté le M23. Nous pouvons ajouter à cette liste, des guerres vite oubliées, à l’instar de celle contre les Enyele à l’Equateur, les Kamwina Nsapu au Kasaï central, …  Au regard de cette situation, le préoccupant cas de l’Est,  entre dans le cadre des survivances, mieux des séquelles des guerres passées. J’entends dire que Kabila devrait rendre compte des troupes étrangères qui seraient à la base de l’insécurité en Ituri comme au grand nord. Encore de la mauvaise foi. Quand Kabila est arrivé au pouvoir, cette partie du pays était sous contrôle des rébellions soutenues par les troupes rwandaises et ougandaises dont le Mlc, le Rcd, le Rcd-Kml, le Rcd-N, … C’est à eux à nous dire si leurs alliés rwandais et ougandais avaient tous quitté le territoire congolais. 
Question : Tout cela, c’est la faute de l’Afdl qui avait introduit les soldats étrangers dans notre pays?
JKK : Facile à dire. Savez-vous, en ce qui concerne les Adf qui sèment la mort aujourd’hui à l’Est, qu’ils sont au Congo depuis 1986, bien avant la création de l’Afdl ? Au sujet des Fdlr qui tuent également à l’Est, leur présence en Rdc remonte aux années avant la création de l’Afdl. Et les Rwandais et les Ougandais qui ont accompagné le Mlc, le Rcd, le Rcd-Kml, étaient sur le sol congolais bien après l’Afdl.
Question : On avait vu les soldats rwandais dans les rangs de l’Afdl?
JKK : Ce sont des réalités différentes. Il n’y avait pas que l’Afdl qui avait bénéficié de l’apport des troupes  étrangères. Il faut être juste. J’entends dire que s’il y a des infiltrés dans les Fardc, ce serait le fait de l’Afdl. Tout le monde sait comment Mzee Kabila avait mis fin à l’Afdl. Lorsque Mzee avait demandé aux soldats étrangers de rentrer chez eux, le 2 août 1998, la guerre avait éclaté. Certains compatriotes se sont joints aux soldats étrangers pour nous faire la guerre. Le gouvernement du pays, émanation de l’Afdl,  était combattu par le Rcd, soutenu par le Rwanda et le Mlc, soutenu par l’Ouganda. Pour résister, le gouvernement avait fait appel à la Sadc qui avait dépêché les troupes de l’Angola, de la Namibie et du Zimbabwe. On peut également évoquer l’apport des troupes tchadiennes au nord de l’Equateur. Peut-on encore parler des  effets des soldats rwandais et ougandais aux côtés de Kabila ?   C’est fausser la vérité que de chercher des étrangers dans les Fac. S’il y a eu des étrangers infiltrés dans les Fardc, ils devraient venir d’autres composantes. Pourquoi chercher dans l’Afdl ? Quant à la situation de l’Est, je vous ai dit que  pendant des années, cette partie du pays échappait au contrôle gouvernemental. Un effort a été fourni pour que le drapeau national y flotte encore. En partant, j’avais laissé quelques foyers de tensions animés par quelques groupes armés. Aujourd’hui, outre le fait que les groupes armés se sont multipliés, les tueries sont au quotidien. Si nous voulons résoudre ce grave problème, nous devons éviter des postures pour chercher de vraies solutions. Il n’y a pas de fatalité à cela. Plus d’actions que de paroles nous aiderait.
Question : En 18 ans, les progrès économiques ne sont pas remarquables?
JKK : Tout dépend de ce que vous entendez par progrès. Encore une fois, la bonne foi manque. Pour dire qu’il y a progrès ou pas, il faut situer le point de départ, dire où on est et vers où on va. Quand nous arrivions au pouvoir, le pays en guerre, avait arrêté tout progrès. Notre croissance était négative. Et chaque jour, elle s’enfonçait dans les profondeurs. Il fallait commencer par arrêter cette descente aux enfers. C’est ce qui était fait et qui nous avait permis de renouer avec les institutions financières internationales. Cela avait abouti à la conclusion avec le Fmi, du Programme économique du gouvernement (PEG 1). Nous étions en voie de signer le PEG 2 lorsque la transition dite 1+4, avait commencé avec sa gestion qui avait cassé l’élan que nous avions pris depuis 2001. Il faudra attendre le gouvernement issu des élections de 2006 pour renouer avec les institutions financières internationales.  Avec des ressources limitées, la dette extérieure était devenue un poids difficile à porter. Le gouvernement s’était engagé assidûment pour atteindre « le point d’achèvement » afin de bénéficier de l’annulation de la dette. Près de dix milliards de dette ont été annulés. Le gouvernement devrait alors, avec des ressources ainsi économisées, engager la lutte pour le social. C’est ainsi,  par exemple, que le gouvernement, en vue de prévenir les effets pervers de la gratuité de l’enseignement fondamental, s’était engagé à construire 1000 écoles par an. Tout était faisable, mais,  il fallait compter, malheureusement, avec deux crises financières successives. Comme on le voit, dans le domaine économique, les progrès s’obtiennent par le travail et non par des incantations. Arrêter la descente aux enfers, améliorer les finances et amorcer le social,…voilà ce qu’on avait fait. Si un autre peut faire mieux, ce n’est pas impossible. Mais, il faut le faire et c’est seulement après que l’on se permettra la moindre comparaison. Agir autrement, ce sont des incantations. C’est comparer mes 18 ans avec un vide, un néant.
Question : Concrètement, que peut-on retenir ?
JKK : C’est fastidieux d’énumérer les réalisations, nos réalisations. Nous préférons laissez cela aux observateurs. Cependant, nous pouvons retenir, dans le domaine d’énergie, la construction  de  Zongo 2, de Kakobola (travaux terminés à 100%), il reste le transport, de Katende (travaux à 70%), j’en passe des meilleurs. De toutes les façons, la meilleure façon d’évaluer les progrès réalisés, c’est de procéder par comparaison. Quelle était la situation avant nous ? Au lieu d’épiloguer sur le progrès, on peut soi-même  faire un petit effort –sauf si on tombe du ciel- pour voir et dire qu’est-ce qu’il y avait, qu’est-ce qui a été fait, qu’est-ce qui a changé ? Enfin, la meilleure comparaison devrait se faire avec ce qui se fait après nous. En deux ans de notre avènement, qu’est-ce que nous avions fait et qu’est-ce qui est fait après nous en deux ans ? Comparez ne fut-ce que le programme avec les Institutions de BrettonWoods. Nous n’avions pas attendu deux ans pour entrer en programme. Ce n’est pas compliqué pour juger!
Question : Les Congolais vous reprochent d’avoir multiplié des fermes à travers le pays?
JKK : De quels Congolais parlez-vous ? Parlez plutôt de quelques gens inutilement aigris. Allez plutôt poser la question à ceux qui ont trouvé du travail ou qui  trouvent à manger dans ces fermes, vous aurez une autre opinion. Est-ce vraiment un problème dans ce pays lorsqu’on fait des champs ou l’élevage ? On aurait peut-être voulu qu’avec l’argent investi dans l’agriculture, j’aille construire des villas à l’étranger. Quelle question ! (A suivre)

Par Joachim Diana
La Colombe /Le Télégramme du Congo (LTC)

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